Dans ces temps-là, Ménilmontant et Belleville étaient des quartiers de fête. On allait y écouter de la musique, on sortait voir des films, s’installer sur les terrasses. Il y avait toujours du monde dehors. Sa femme l’a quitté il y a un mois. Avant son départ, dans un dernier élan de générosité, qui lui a probablement laissé un savoureux sentiment de devoir accompli, elle avait rempli le frigo. La femme parfaite dans toute sa splendeur, jusque dans les moindres détails, et que personne n’aille lui reprocher son départ soudain et irréversible.
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Les gens qui vivaient ici exerçaient de petits métiers. alors, c’étaient les arts populaires qui marchaient le mieux. Là où il ne fallait pas dépenser des sommes immenses pour passer les après-midi et où l’on pouvait emmener les femmes s’amuser sans se ruiner et se chausser pour quelques pièces.
Mais j’étais trop jeune pour çà. Aujourd’hui, tout a disparu. Du Cocorico, du Ménil Palace, des Cinématographes parisiens, du Belleville-Pathé ou de nombreuses salles qui peuplaient le quartier, il ne reste rien. Le temps les a emportés.Nous étions seulement des enfants
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Fayard
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Mais aujourd’hui, Paul n’a plus le choix. Perdre un kilo par semaine peut-être avantageux dans un premier temps mais s’avérez critique au-delà d’un certain seuil. L’idée de s’asseoir seul à une table de restaurant le décourage au point de lui couper l’appétit. À 51 ans, peut-être est-il temps de savoir évoluer dans un magasin d’alimentation. Il finit par se décider pour la pizza la plus chère. Il ne manquerait plus qu’ils mangent n’importe quoi sous prétexte que sa femme est partie après 30 ans de vie commune.
Il prend toujours le plus cher quand il est question de choisir, persuadé que c’est un gage de qualité.Juste avant le bonheur
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Pocket
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Mark TwainLe courage est de résister à la peur, de maîtriser la peur, pas l’absence de peur.
“Courage is resistance to fear, mastery of fear – not absence of fear” — Mark Twain
— J.K. Rowling (@jk_rowling) 26 mars 2017
Souvent la foule trahit le peuple
Cette citation de Victor Hugo a été utilisée par Laurent Fabius, invité sur le plateau de « C’est à vous » à réagir à la victoire de Donald Trump.
« Prof », elle l’était, avec bonheur. Lorsqu’elle était au plus fort de l’angoisse, elle regardait ces jeunes passer devant elle pour entrer dans la classe. C’était un moment de bonheur. Certains la saluait d’un mot, d’un sourire, d’un clin d’œil, sans dévisser leur casquette, d’autres branchés à leurs baladeurs, levaient le pouce en signe de contentement ou dessinaient le V de la victoire, d’autres, encore, lui lançaient un regard triste, désabusé, ou hostile, voire obscène, jamais indifférent, sans prononcer un mot, quelques-uns baissaient les yeux, l’air détaché, ou dégoûté, mais levaient la main ou enlevaient leurs casquettes… « hello » (sans souffler les h!!!!) … « ça va ? », « m’dame », « bof », « grave », « fait beau », « tiptop »! … un soupir, un grognement, un haut-le-corps, en écho à la musique écoutée, un roulement d’épaules ou des hanches, le nombril à l’air, percé d’un anneau, la langue ou l’arcade sourcilière itou, le bras ou l’abdomen tatoués, la tignasse vert fluo ou rouge, selon les semaines et l’inspiration, ou serrée dans un bandana, ou le cheveu ras avec de longues mèches qui barraient le visage ou pendaient sur les yeux ou la nuque, le pantalon en bas des fesses, entaillé à plusieurs endroits, la mini-jupe « à ras le bonbon », les baskets pas lacés, énormes, qui leur donnaient une démarche de canard… Les filles comme les garçons. Au milieu de ce flot bigarré, extravagant, la foule des timides, des tendres, des classiques, des « taiseux », de ceux qui cherchent à se faire oublier plutôt que de remarquer, mais qui ont la même attente : se sentir singularisés, regardés, remarqués, tirés vers le haut. Vers le haut, toujours vers le haut, tous, leur façon de ses faire respecter.
Elle leur souriait toujours. Les voir la rendait heureuse.
Les femmes consultent beaucoup. Habituées qu’elles sont à être attentives aux petits riens de la vie quotidienne, de leur entourage, soucieuses de rester en bonne santé pour que rien ne déraille autour d’elles, elles traquent le moindre dérapage de leur corps pour faire échec à la maladie, à la mort. Leur bonne santé et le bien-être de leur mari et de leurs enfants, sont une condition de la bonne marche de la famille, leur souci quotidien, notion inculquée, encore aujourd’hui, par trop de mères, qui malgré leur échec personnel, continue de vouloir que se reproduise ce modèle ancestral… Pour cette raison, elles doivent prendre soin d’elles-mêmes.
Anne-Marie Echard-FournierRécemment, son corps s’était alourdi, empâté par la boisson, bouffi par les cigarettes, raviné par les insomnies, chiffoné par les déceptions. Sa taille s’était épaissie. Les paupières lourdes, la peau fripée de minuscules ridules, le teint pâle, ne parvenaient à ternir sa grâce. Son allure n’était pas altérée, son corps généreux se mouvait avec charme, en un léger déhanchement. Il émanait d’elle une grande séduction. Et puis ses yeux, le bleu transparent de ses yeux, qui parfois se tachetait de points d’or, ou virait au vert, ce regard indéfinissable, souvent voilé d’une mélancolie passagère, ou d’une tristesse infinie, animait son visage, et préservait la beauté qui la faisait, autrefois, remarquer en tous lieux. Les cernes bleutés donnaient une touche mystérieuse, agrandissaient les yeux. Un voile de fatigue ajoutait au charme d’un visage à peine vieillissant, lui donnait du caractère. Il est des visages marqués par l’âge et la souffrance, qui sont d’une rare beauté. Et puis sa voix rauque et sensuelle, troublante pour les hommes qui l’approchaient…
Autrefois, il n’y a pas si longtemps, lorsqu’elle descendait l’escalier de l’amphi, à la fac, tous les regards se tournaient vers elle. Certains la sifflaient. On la remarquait toujours d’ailleurs. Son charme perdurait.
Quelle jouissance de ne rien faire, paresser, se prélasser, flemmarder ou tirer sa flemme – le vocabulaire à l’éloge de la paresse est d’une infinie richesse – ne pas en ficher une rame. Savoureux ! Ou encore, un mot qu’elle affectionnait particulièrement, « s’acagnarder », aux sonorités gasconnes, un rien vulgaire dans les « a », les « gna », qui sonnent gras là-bas, mais tellement imagés… Il est tout acagnardé par la fainéantise, ce gafet !… Pourtant, aucun n’avait autant de charme que l’Italien « fare niente ».
Souvenirs de farniente mâtinés d’ennui, dans le jardin ensoleillé. Parfois on s’embêtait ferme et on se débrouillait avec ça. Les parents vous renvoyaient à votre désœuvrement, en se moquant – prends un marteau et tape-toi sur les doigts ! – Stupide ! – mais ne se mêlaient pas d’essayer de vous désennuyer. Arrête de te morfondre ! Trouve-toi un centre d’intérêt ! Occupe-toi ! Il ne manque pas de choses à faire ! Fais un peu preuve d’imagination !
On baillait, on traînait, l’air morne et désolé, abattu, ne sachant que faire de sa peau, on changeait de place, on observait un moment les adultes, agacés mais gentils, qui s’empressaient de vous rabrouer, l’air goguenard. On apprenait à s’ennuyer, « pourvu que ce soit intelligemment »…
On finissait par tourner les talons, prendre un bouquin, ou aller faire un tour de vélo. Pas de piscine, on apprenait à nager dans la rivière, près du barrage. Pas de téléphone, pas de télé, encore moins de jeux vidéo. Des jeux de société, le jacquet, les dominos, les dames, les cartes, un Monopoly d’enfer.
Le plus souvent, on parait à ces moments de désœuvrement en prévoyant des jeux que l’on s’inventait à plusieurs. Il y avait un coin, dans le jardin, clos par des haies, où l’on allait s’asseoir sur un banc de pierre moussu pour y palabrer, y préparer des mises en scène, car on donnait des représentations théâtrales. On y tendait des bâches, de vielles couvertures dégotées au fond du garage ou du grenier, on jouait la comédie.
Cyrano de Bergerac (Edmond Rostand, 1897) était la pièce favorite de notre répertoire. Nous avions appris la célèbre tirade du nez. Elle se souvenait encore de ce long et énorme « hippocampéléphantocamélos », cent fois répété.
L’ennui faisait partie de la vie, et l’enrichissait en encourageant l’imagination, la créativité.
« Est-ce que tu te souviens de ce jour où nous regagnions nos voitures, après un long échange sur nos problèmes – et j’en avais gros à l’époque – déjà – et toi aussi – nous avons croisé un collègue – un chic type – et l’avons salué en souriant. Il nous a lancé ‘Voilà deux femmes heureuses ! ça fait plaisir à voir !’…
Cela nous avait fait rire. Mais quel con ! »
Elle échangèrent un regard de connivence, presqu’amusées.
Blanche, la gorge serrée, resta sans paroles. Puis elle posa sa main sur celle de Jeanne.
« Tu vois », dit cette dernière, « Cela m’est égal de mourir. Mais j’aurais bien aimé vivre jusqu’à cinquante ans pour pouvoir élever mes enfants ».
Le silence, à nouveau, s’installa.
Comment l’aider à cet instant ? Que dire ?
Nous sommes ensemble et éloignées, déjà, pensa Blanche. Jeanne allait-elle mourir ?
Blanche vivrait un peu plus longtemps, sans doute. Plus longtemps ? Comment en être sûre ? Et si elle aussi…
Comment l’aider ?
Elle se recentrait déjà sur son cancer à elle, virtuel, un ersatz de l’autre, un cancer de son cancer, cancer de son âme, si pétrie d’un souci de soi qui confinait à une espèce d’autolâtrie naïve, elle ne pouvait écouter Jeanne sans penser à elle-même, pétrifiée par ce qui pourrait arriver.
Anne-Marie Echard-Fournier