Surmonter cette solitude qui nous est commune à tous

Toute douleur déchire ; mais ce qui la rend intolérable, c’est que celui qui la subit se sent séparé du monde ; partagée, elle cesse au moins d’être un exil. Ce n’est pas par délectation morose, par exhibitionnisme, par provocation que souvent les écrivains relatent des expériences affreuses ou désolantes : par le truchement des mots, ils les universalisent et ils permettent aux lecteurs de connaître, au fond de leurs malheurs individuels, les consolations de la fraternité. C’est à mon avis une des tâches essentielles de la littérature et ce qui la rend irremplaçable : surmonter cette solitude qui nous est commune à tous et qui cependant nous rend étrangers les uns des autres.

Tout compte fait
Simone de Beauvoir
Gallimard

NB. Cette citation est aussi la préface du livre d’Anny Duperey « je vous écris » aux éditions du Seuil.