Katarina MazettiL’existence est devenue tellement physique, je sens que je suis en train d’en perdre le contrôle. Des gens m’ont raconté que quand ils avaient arrêté de fumer ils sentaient tout à coup l’odeur du thé, le goût de la crème fraîche, et le printemps se transformait en eux en une symphonie de parfums. Mes organes tactiles semblent avoir fait ce pas-là, je sens que la chaise est souple et flexible sous mes cuisses, que le revêtement en lin est rugueux sous la main, qu’il se produit une petite sensation supplémentaire quand on se passe une plume sur les lèvres. Si ça continue comme ça, les gens vont se tapoter la tempe et lever les yeux au ciel en me voyant tripoter le monde qui m’entoure.
J’ai été obligé d’appeler Märta. Quand je lui racontai que j’avais caressé les touches de mon clavier, elle émit un bruite très étrange, une sorte de roucoulement bas, chaud et protecteur, un peu comme si elle voulait dire qu’elle était contente pour moi. Mais tout ce qu’elle me dit, c’était de prendre garde à ne pas me faire coincer pour harcèlement sexuel d’équipement informatique.