Katarina MazettiQuand les labours de printemps ont commencé, c’en était évidemment fini de l’idylle. C’est le moment où on est sur le tracteur pratiquement vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on n’est pas bon à grand chose, quand on rentre les jambes flageolantes tard le soir. La Crevette était tout aussi épuisée, deux enfants en bas âge et la pleine responsabilité de la traite. Et une fois qu’on avait lâché les bêtes dans les prés, il arrivait aux veaux de s’échapper, la nuit la plupart du temps. Ils meuglaient et farfouillaient autour de la maison et je devais réveiller la Crevette ; on se levait pour les remettre au pâturage, elle le regard brouillé de fatigue, le visage gonflé de sommeil avec l’empreinte nette d’un coin d’oreiller sur la joue. Je me rappelle qu’elle disait : « C’est comme si j’avais épousé un galérien et que je m’étais enchaînée à la rame d’à côté… »