Peter Mayle– Quelle arnaque ! Mais si ça marche, quelle fortune ! Les meilleurs vins du Lubéron ne dépasseront jamais vingt, vingt-cinq dollars la bouteille. Dote ces mêmes vins d’une étiquette de Bordeaux, réserve-les à une clientèle choisie et invente une histoire convaincante. Tu n’as plus alors de limites.
– Les gens sauraient, fit Christie en secouant la tête. Ils ne sont pas bêtes à ce point.
– Ne crois pas ça, le détrompa Charlie. Tu serais étonnée. C’est le commerce du vin, n’oublie pas. Les habits neufs de l’empereur dans une bouteille.
De la tête il remercia Fanny qui venait de déposer devant lui une assiette de moules farcies embaumant le beurre, le persil et l’ail.
– Max, suppose que, très discrètement, tu mettes dans le secret de ce vin fabuleusement recherché un ou deux des principaux acheteurs, leurs clients ne discuteront probablement pas. Les habits neufs de l’empereur en bouteille, répéta-t-il en éperonnant une moule, manifestement satisfait de sa formule. Et la nature humaine travaille pour toi, tu comprends. Choisis ton homme, fais appel à son ego, flatte-le à mort, dis-lui ton admiration pour son goût et son palais. Et puis ajoute qu’il s’agit d’un trésor inconnu – un vieux truc que j’ai vu fonctionner deux ou trois fois dans l’immobilier, je peux le dire – et que tu aimerais qu’il soit un des heureux élus à le découvrir. Ces gens-là adorent être les premiers à repérer un grand vin. Et surtout, fit Charlie en brandissant sa fourchette pour souligner son propos, tu leur recommandes de ne partager le secret qu’avec quelques clients de confiance. Parce que la publicité gâcherait tout. A y réfléchir, c’est sans doute la raison pour laquelle ils ne le vendent pas en France. Les Français poseraient des questions embarrassantes. (Il regarda ses deux interlocuteurs.) Alors, ça pourrait marcher, n’est-ce pas ?