Pire qu’avant. Ta déception, ton désespoir elle se les savoure à longs traits, l’immonde

Ça s’appelle la « lune de miel ». Classique, paraît-il, chez les Parkinson. La gueuse s’amuse. Chat et souris. La souris, c’est moi. Elle vous donne des espérances. Elle lâche l’étreinte. Un matin, plus de douleurs. Je n’ose y croire. Tâte de l’orteil si elle est bonne. Me redresse. M’étire. Chante sous la douche. Lâche la rampe de l’escalier. Écris. Miracle ! Écris. Sans me battre pour conquérir chaque signe, chaque virgule. J’aime les virgules. Je noircis des pages en grand enthousiasme, ça dégouline ! Direct du cerveau au papier. Deux jours. Parfois trois. La dévorante a assez joué. En plein paradis, hagne donc, elle reprend possession. Pire qu’avant. Ta déception, ton désespoir elle se les savoure à longs traits, l’immonde.

François Cavanna
Lune de miel
Page 217
Gallimard
lune de miel