Un coup de braguette magique

Lorsqu’il m’apercevait dans les bureaux, Villandreux me saluait d’un geste désinvolte. Anna avait commis l’erreur de venir me chercher au journal deux ou trois fois. Cela avait suffit pour que toute la rédaction me regarde comme « celui-qui-baise-la-fille-du-patron ». Je comprenais que Villandreux, par ailleurs monstre d’indélicatesse, put s’attacher à l’idée qu’il se faisait d’un protocole bien ordonné. Sans doute avait-il décrété que son image de bienveillant propriétaire n’avait rien à gagner d’un sous-fifre libidineux et dont chacun supputait qu’il avait trouvé sa place dans la rédaction grâce à un coup de braguette magique. Dans ces conditions, Villandreux, sensible aux rumeurs de couloir, n’avait aucune raison de s’afficher à mes côtés.

Jean-Paul Dubois
Une vie française
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