Tu sais ce qu’il leur dit, Cambronne, aux Anglais ?

– On a eu du soleil tous les jours.

– Et des huîtres !… On a mangé des huîtres.

– C’est grâce à Blum, dit le chauffeur.

– … et à Thorez, rectifia le mécanicien.

Sous sa casquette blanche, le chef de gare souffla dans son sifflet.

Le train démarra.

Avec Piston qui libéra sa colère en même temps que la vapeur de compression :

– Ah ! Tu peux le mettre en avant, ton Blum ! Il l’assassine, le Front populaire ! On a Hitler sur le flanc droit, Mussolini plus bas et bientôt on aura Franco dans les fesses ! Tout ça parce que monsieur Blum, le républicain du Front populaire français, ne veut pas fournir d’armes aux républicains du Front populaire espagnol !… Un traître, Blum ! Un vendu !

Timidement, le chauffeur protesta :

– Ce n’est pas lui qui ne veut pas : ce sont les Anglais ? Ils ont menacé de…

Piston tira sur la chaîne. Sans raison. Comme pour faire protester la locomotive en même temps que lui :

– Tu sais ce qu’il leur dit, Cambronne, aux Anglais ? Eh bien, c’est ça qu’il faut leur dire à ces emperruqués : « Votre couronne d’Angleterre, on n’en a rien à faire ! Nous, on est des républicains : on aide les républicains ! »

Georges Coulonges
L’été du grand bonheur
Presses de la cité
L'été du grand bonheur - Georges Coulonges