Je la surnomme « le Torrent » tant elle est vorace de plaisirs.

– Quel est ce doigt qui n’a pas d’ongle ?

Voilà ce qu’entend la nouvelle domestique, âgée de huit ans, car les Montespan n’ont pas refermé la porte de leur chambre. Dans la cuisine, près de Mme Larivière, elle regarde le plafond, écoute grincer les pieds d’un lit, ce qui agace la cuisinière :

– Ah, la marquise est de l’étoupe la plus prompte à s’enflammer. Je la surnomme « le Torrent » tant elle est vorace de plaisirs. Elle sait bien battre le velours, rôtir le balai.

Et c’est vrai qu’au-dessus, les maîtres sont pêle-mêle. Françoise, dans la bouche de son mari, souffle du bonheur comme au temps des fées. Puis ce sont des petites cochonneries qui plaisent toujours et ne cessent de chatouiller un peu. Les cent mille délices qui précèdent la conclusion. Mots et discours soutiennent l’action.

– Ah… Mmh… Ah!…

A l’étage inférieur, Mme Larivière – cheveux crépus et noirs, teint olivâtre et jambes en pattes de héron, pas franchement de la famille de Vénus – vide la cendre du four dans un broc qu’elle tend à l’enfant domestique :

– Tiens, Dorothée, plutôt que de les écouter jouer à colin-tampon, va vendre la cendre au blanchisseur du bout de la rue.

Jean Teulé
Le Montespan
Page 30
Julliard
Le Montespan, Jean Teulé